L'entrevue #6

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On donne la parole à nos adhérents.
Ce mois-ci, découvrez le portrait de Pierre Blanc, Directeur de Talent Boutique et de Matthieu Ducos, Directeur de Rock en Seine.

« (…) la formation est un enjeu majeur, mieux promouvoir nos métiers et le transfert de savoir-faire. » (Pierre Blanc)

 

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? Votre parcours ?

Pierre Blanc | Pierre BLANC, directeur de Talent Boutique, société de production de concerts regroupant un catalogue d’artistes Français et Internationaux. J’ai commencé à travailler dans la musique fin des années 90, avec des expériences bénévoles en Auvergne, puis je suis venu pour mes études à Paris en 2000. De là, j’ai enchainé plusieurs expériences de stages sur 3 ans, dans des projets culturels, associatifs, privés, de l’événementiel aussi. En 2004 j’ai créé « On Air Prods » avec un associé, les prémices de ce qu’est aujourd’hui Talent Boutique. En parallèle, j’ai passé 2 ans au Point Éphémère au poste de régie et production. C’est à la fin de cette expérience, que nous avons décidé de nous lancer entièrement dans le booking et la production ; et faire évoluer le catalogue d’un univers très axé autour des dj/musique électronique (Institubes, Ed Banger …) vers le live et les artistes internationaux (Metronomy …). C’est en décembre 2009 que l’association avec Corida se fait, et que née « Talent Boutique ». Aujourd’hui, nous sommes fiers de représenter un catalogue d’une centaine d’artistes français et internationaux, avec une ouverture musicale riche et contemporaine. Nous défendons une approche d’artisan, capable de soutenir les artistes du développement aux plus grandes salles. Les festivals sont évidemment une activité très proche et complémentaire de notre cœur d’activité. C’est aussi dans une approche d’artisan que nous nous y associons sous diverses formes avec Peacock Society, We Love Green, Hyperweekend, Plage de Rock. 

Mattheu Ducos | Matthieu Ducos, directeur de Rock en Seine depuis octobre 2020, festival qui se déroule chaque année le dernier weekend d’août au Domaine de Saint-Cloud aux portes de Paris.
Après mes études, et après avoir vécu la première édition du festival comme festivalier, j’ai intégré l’équipe de Rock en Seine en 2004, au tout début de l’aventure, pour la deuxième édition du festival. J’ai donc vu grandir le projet année après année jusqu’à prendre la dimension qu’il a aujourd’hui. Au sein de l’organisation j’ai tour à tour eu en charge la communication, les partenariats, la direction commerciale, la direction adjointe jusqu’à avoir désormais les rennes entre mes mains.  Bref, je crois avoir une bonne connaissance de tous les rouages de l’événement ! Par ailleurs, toujours aux côtés de François Missonnier qui a créé Rock en Seine, j’ai participé au lancement du projet Europavox entre 2006 et 2017.

Si on se projette à la fin de votre mandat en 2024, quel projet/dossier souhaiteriez-vous voir aboutir au sein de votre comité et plus largement au sein du syndicat ?

Pierre Blanc | Au sein du comité Festivals, je pense qu’il est vraiment prioritaire d’apporter de vrais outils de promotion et défense des savoir-faire de notre écosystème. Aujourd’hui, les festivals sont sur des modèles qui mobilisent des compétences et garanties de ressources humaines/financières conséquentes, mais avec des risques multiples et glissants (les volontés des pouvoirs publics, les intempéries, les mouvements sociaux, l’adhésion des sponsors/mécènes, les assurances …). Je pense notamment que la formation est un enjeu majeur, mieux promouvoir nos métiers et le transfert de savoir-faire. Et si l’on parle plus largement, je pense qu’un bon audit des relations entre les artistes et l’écosystème « tour » s’impose pour garantir le respect des positions de chacun à l’avenir.

Matthieu Ducos | Parmi les dossiers qui me semblent primordiaux il y a celui de la billetterie et des données clients. C’est un peu une arlésienne mais aujourd’hui plus que jamais il faut mener cette discussion avec les distributeurs. Ensuite, et je ne vais pas être original, il y a les sujets RSE, et particulièrement celui de l’impact environnemental des grands événements comme Rock en Seine. Pleins de questions se posent sur le modèle des années à venir, auxquels les réponses ne peuvent pas être qu’individuelles, événement par événement, et même limitées aux seuls acteurs festival. C’est sur ces grandes dynamiques de changement que le PRODISS doit jouer tout son rôle, tous métiers confondus.

Tous deux à la tête de deux festivals qui rythment l’été des franciliens, comment analysez-vous la série de difficultés que traversent le secteur (Covid-19, crise de l’emploi, retour difficile des publics, épisodes météorologiques) ?

Pierre Blanc | C’est un contexte assez effrayant si on le regarde à chaud. Peacock Society n’a pas pu exister en 2020, mais le festival s’est battu en 2021 pour se déployer et garantir ce moment de fête et de rencontre des artistes et de leurs publics dans le tout nouvel écrin du Parc de Choisy Val de Marne. Aujourd’hui, à quelques mois du festival, les discussions avec les prestataires, le recrutement des équipes, la collaboration des compagnies d’assurance, la recherche de sponsors, le soutien des pouvoirs publics … tout cela se fait sur le fil et avec des aléas qui surgiront d’ici le festival. Toutes ces difficultés sont évidemment le reflet d’un contexte jamais vu et qui sait combien de temps il va durer. La société est divisée, les enjeux économiques, politiques et environnementaux peuvent sembler nous dépasser tout en étant ancrés dans nos quotidiens. Il n’y a pas qu’une réponse et qu’un temps de réponse ; les efforts vont devoir être menés sur le long terme et en collectif. Il faut prioriser les efforts à mener pour corriger les points de crise - et conserver les énergies de nos équipes / projets. Finalement, sur Peacock, on se rend compte que l’ADN du festival est encore plus contemporain et important aujourd'hui : un festival comme Peacock Society doit jouer sa carte sur la place du Grand Paris.

Matthieu Ducos | Pour les festivals d’été comme les nôtres, la reprise se fait avec beaucoup d’enthousiasme parmi les équipes qui ont toutes vécues difficilement cette longue période d’arrêt. Mais l’enthousiasme et l’envie ne doivent pas cacher que ce redémarrage n’est pas un long fleuve tranquille. C’est tout un secteur qui a été empêché et l’écosystème autour des festivals a été bouleversé de manière profonde. Les acteurs ont survécu pour la plupart à cette période mais ils ont dû nécessairement adapter leur organisation et leur activité pendant de longs mois (réduction de personnel, baisse d‘investissement, etc.). On en paie donc les conséquences aujourd’hui (pénurie de personnel, manque de matériel…) alors que nous sommes en plein boom de la reprise avec un nombre de grands concerts et de festivals encore plus important qu’avant. Et à ça viennent s’ajouter des problématiques exogènes : inflations du prix de l‘énergie, du transport, des matières premières, épisodes climatiques extrêmes, incertitudes liées à la reprise de l’épidémie. La faculté d’adaptation et de résilience des festivals n’est plus à prouver donc je reste positif mais c’est une réalité que de dire que nous sommes confrontés à un beau défi pour cette reprise.

Comment les festivals s’adaptent-ils pour continuer à séduire, année après année, leurs publics et attirer de nouveaux ? ​

Pierre Blanc | Peacock Society a été créé en 2015, à une époque où le format était très novateur, le rassemblement des styles et des publics aussi, et les outils de promotion étaient maîtrisés. Aujourd’hui, après presque 2 ans de privation des clubs, les publics se sont dispersés, certaines fois confrontés à des retours chaotiques mais vitaux à la fête. On constate que les relais, les tempos, les outils de communication se sont aussi déstructurés. Évidemment, le festival doit se concentrer à offrir une programmation inédite. Paris est le marché le plus concurrentiel en France, et il faut en avoir conscience très tôt. Le grand mot reste « l’expérience », mais toute la difficulté est de passer de l’idée à la réalité pour la plupart des festivals. Nous avons la chance de nous être imposé cette adaptation, en quittant la nuit, les warehouse, l’été… pour rebondir sur un tout nouveau site immense, en journée, et festif de la rentrée. Peacock est resté Peacock, mais dans une conscience plus contemporaine, qui nous permet d’encore mieux défendre des principes mis en place depuis le début (respect des publics, respect de l’environnement etc.). L’adhésion à un projet d’ampleur comme Peacock, qui veut parler à un public large mais aussi aux niches qui font l’effervescence créative des musiques électroniques en France, nécessite une agilité et une diversité de canaux qui doivent être ajustés en temps réel. C’est vraiment une particularité et un challenge. Il faut avant tout travailler à projeter un discours clair, il peut être pluriel mais à chaque fois adapté à la cible visée. Il faut donc arriver à savoir à qui on veut parler, par quels moyens ces cibles peuvent recevoir notre message et comment elles peuvent y adhérer. Nous associons les réseaux sociaux sur une période longue avec divers supports et messages, le physique via du boarding pour incarner sur les lieux de fêtes, de l’affichage métro, du partenariat médias, des relais influenceurs… Nous devons aussi rassurer en offrant un service irréprochable en amont (programmation, billetterie, accès aux transports etc.) sur site (offre food/bar, protection des publics, respect de l’environnement, scénographie innovante etc.) et en aval (suivi des publics, rendu du site d’exploitation, rapport aux pouvoirs publics etc.) Je suis d’ailleurs assez excité de voir comment nous pourrons mieux maîtriser la promotion de nos festivals sur les DSP, nouveaux réseaux sociaux …

Matthieu Ducos | Je pense que l’esprit originel des festivals (l’esprit de fête, de découverte et de convivialité) et l’idée de proposer au public une parenthèse enchantée le temps de l’événement reste attirants pour les jeunes générations. Mais il faut bien sûr trouver les bons moyens pour les attirer jusqu’à nous. La programmation et les artistes restent le principal vecteur attirer mais on essaie sans cesse de trouver les meilleures manières de se connecter à ces nouvelles communautés. Je pense aussi qu’il faut rester exigeant et continuer à être des espaces de découverte et d’ouverture d’esprit. C’est le sens de ce que nous faisons à Rock en Seine avec une programmation pointue et très portée sur les jeunes artistes, mais au-delà avec d’autres contenus culturels (expositions, projections de films, performances artistiques diverses, cycle de mini conférences/débats) qui doivent aussi permettre d’inspirer les nouveaux festivaliers.

 

Le PRODISS en trois mots ?

PROMOUVOIR – PENSER – CONSTRUIRE

© Philippe Lévy

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