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Condamnation de Google dans l’action engagée par le PRODISS

L’interdiction pour Google de commercialiser des espaces publicitaires à des vendeurs illicites de billets de spectacles est définitive. L’occasion de revenir sur une bataille judiciaire de 5 années menée par le PRODISS contre les géants de l’internet pour défendre les investissements des producteurs de spectacles français et leur image auprès du public.

Le 29 mars 2023, la Cour d’appel de Paris condamnait les sociétés Google France et Google Ireland Ltd, dans l'action engagée à leur encontre par le PRODISS. Cette condamnation est maintenant définitive. Les mesures d’interdiction prononcées par le jugement de première instance en 2020, et confirmées par la Cour d’appel, s’imposent donc à Google. Aucune campagne de publicité Google Ads pour la vente de billets de spectacles ne peut être faite sans l’autorisation du producteur.

Le PRODISS est fier d’avoir gagné ce combat pour ses adhérents. La situation est enviée à l’international. Nous pouvions entendre, en juin dernier, à une table ronde sur le rôle des moteurs de recherche dans la revente illicite de billets de spectacles, organisée lors du Festival Primavera à Barcelone :

« La France dispose d'une loi très efficace sur la revente de billets, selon laquelle il est interdit de revendre des billets sans que le propriétaire du billet, le producteur, n’en donne l'autorisation. En France, le PRODISS a poursuivi Google en justice pour avoir continué à diffuser des publicités provenant de Viagogo et d'autres vendeurs non autorisés, et le PRODISS a gagné. »

Quels étaient les comportements de Google qui ont mené à cette procédure judiciaire qui a duré 5 années ?

En 2018, le PRODISS s’est rapproché de Google pour demander que Google cesse de diffuser des publicités pour des services illicites de commercialisation de billets de spectacles. Il avait été constaté que de telles annonces apparaissaient en haut de page du moteur de recherche Google par des liens sponsorisés.

Ces annonces concernaient des offres de billets de spectacles publiées sur des sites tels que Viagogo, Stubhub, Rocket Ticket, Paris Event Ticket, etc. pour de très nombreux spectacles et sans autorisation des producteurs concernés.

Des réunions se sont tenues avec Google au cours desquelles le PRODISS a pu exposer la situation : le fait que des publicités pour des services illicites soient exposées en haut de page du principal moteur de recherches trompait de façon évidente les consommateurs souhaitant acheter des billets de spectacles. Ces pratiques causaient un préjudice d’image aux adhérents du PRODISS, ainsi qu’un préjudice économique dès lors qu’elles favorisaient les activités parasitaires des opérateurs illicites.

Le PRODISS escomptait légitimement qu’il serait entendu par Google, et qu’il s’agissait d’une simple omission de Google résultant d’une méconnaissance des activités de production de spectacles et de commercialisation des titres d’accès aux spectacles.

« Nous ne pensions pas devoir entamer un bras de fer avec un des géants de l’internet ! » se souvient Malika Séguineau, directrice générale du PRODISS.

Pourtant, face au refus de Google de cesser de vendre des espaces publicitaires à des sites qui commercialisent des billets de spectacles sans autorisation du producteur, le PRODISS a été contraint de saisir le Tribunal judiciaire de Paris début 2019.

Les difficultés auxquelles le PRODISS a dû faire face

Attaquer en justice Google, cela signifie quoi ? Nous pouvons revenir sur quelques éléments de la procédure...

Se battre contre Google, c’est se battre contre deux sociétés : Google Ireland, qui se présentait comme la seule société fournissant les services GoogleAds, et Google France, qui prétendait ne pas être impliquée dans la fourniture de ces services.

En première instance, le Tribunal judiciaire n’avait condamné que Google Ireland. En appel, le PRODISS a su convaincre les magistrats que c’était artificiellement que Google France prétendait ne pas être impliquée dans le service litigieux. La Cour d’appel a donc condamné les deux sociétés.

Il était important que soit reconnue la responsabilité d’une société française s’agissant de publicités pour des spectacles qui se tiennent en France et produits par des producteurs français, diffusées en langue française, sur la page google.fr du moteur de recherche, moteur de recherche qui est utilisé chaque jour par des millions de personnes habitant en France. 

En effet, lorsque l’on agit en justice à l’encontre d’une société étrangère, tous les délais de procédure sont automatiquement augmentés de deux mois, certains actes doivent être traduits, les frais de signification sont considérablement plus chers, etc. En outre, il est beaucoup plus difficile de faire exécuter à l’étranger une décision obtenue auprès d’une juridiction française.

Le combat devient alors déséquilibré pour le justiciable français, en l’occurrence le PRODISS.

Dans cette procédure, Google a par ailleurs soulevé de multiples arguments dilatoires en vue d’échapper à sa responsabilité, et surtout en vue de retarder sa condamnation et préserver pendant ce temps les ressources que génère pour elle la vente d’espaces publicitaires par des opérateurs illicites commercialisant des billets de spectacles.

Google s’est également fait le défenseur de chacun des sites mis en cause dont son service Google Ads permettait la promotion, sites dont le PRODISS avait pourtant démontré l’illicéité manifeste.

« Nous avons dû répondre point par point à chacun des arguments dilatoires soulevés par les sociétés Google » soulignent Maîtres Etienne Papin et Stéphanie Foulgoc, du cabinet NEXT avocats qui représentaient le PRODISS dans cette procédure. Ils ajoutent : « Nous nous réjouissons, pour le PRODISS et les producteurs de spectacles, que la Cour d’appel, dans son arrêt très motivé, ait rejeté un à un chacun des arguments de Google ».

Pourquoi était-il essentiel pour le PRODISS de mener ce combat ?

Le moteur de recherche Google est devenu incontournable pour débuter tout processus d’achat en ligne.

Tout consommateur qui veut acquérir un billet de spectacle débute son parcours d’achat par une recherche Google « Billet concert + Nom de l’artiste ».

Visuellement, la distinction entre des liens sponsorisés ou des liens référencés naturellement n’est pas toujours perceptible par les consommateurs. Même lorsque cette distinction est faite, les annonces publicitaires captent énormément de trafic vers les sites des annonceurs.

Le PRODISS et ses adhérents ne pouvaient laisser les spectateurs en situation de se faire escroquer facilement, par un simple clic sur les annonces publicitaires qui les dirigeaient vers des sites non autorisés.

La promotion d’un service illicite est nécessairement, en elle-même, un acte illicite, et d’autant plus lorsque l’annonce, non seulement donne de la visibilité à ce service illicite, mais également y donne un accès direct.

Quels sont les effets de la décision ?

Depuis que le premier jugement est devenu exécutoire, fin 2020, Google n’a plus le droit de commercialiser de mots clés Google Ads pour la vente de billets de spectacles à des opérateurs non autorisés. L’interdiction a été prononcée pour la première fois le 15 octobre 2020 par le Tribunal judiciaire. Même si Google a fait appel, le jugement était exécutoire pendant toute la procédure d’appel.

Ces décisions de justice obtenues par le PRODISS contribuent à rendre la commercialisation en ligne de billets de spectacles plus sécurisante pour les spectateurs. Le point d’entrée des consommateurs vers l’achat en ligne de billets de spectacles qu’est Google est assaini des annonces pour les opérateurs illicites.

C’est un travail essentiel accompli par le PRODISS qui s’inscrit dans la suite du résultat obtenu en 2012 avec l’adoption de l’article 313-6-2 du Code pénal qui protège les producteurs contre les opérateurs illicites de billetterie.

Une étape majeure dans l’accompagnement des adhérents du PRODISS dans leur transition digitale

Cette victoire judiciaire contre les sociétés Google illustre l’engagement du PRODISS pour soutenir les mutations numériques du spectacle vivant.

Internet s’est construit sur une irresponsabilité supposée des intermédiaires dans la diffusion de contenus qu’ils ne produisent pas. Par ces deux décisions judiciaires successives obtenues par le PRODISS, il est rappelé avec force que les acteurs de l’internet, quels qu’ils soient, ne peuvent favoriser les comportements déloyaux et parasitaires à l’égard des professionnels du spectacle que le PRODISS représente.

C’est également dans cet objectif de protection des investissements de ses adhérents que le PRODISS s’engage activement pour l’adoption d’un droit de propriété intellectuelle des producteurs de spectacles.

Avec l’apparition et la popularisation des smartphones – qui permettent des captations de plus en plus faciles et de très bonne qualité – et l’essor des plateformes en ligne qui permettent de diffuser et visionner très facilement des captations de spectacles, en totalité ou par extraits, les spectacles font l’objet de nouvelles formes d’exploitation. Non seulement le producteur de spectacles doit pouvoir autoriser ou refuser une captation du spectacle qu’il produit mais, en outre, il doit pouvoir être en mesure d’interdire la diffusion de cette captation. 

Pourtant, actuellement, les plateformes hébergent des heures et des heures de spectacles captées sans autorisation des producteurs, et perçoivent les revenus publicitaires générés par l’audience de ces vidéos, sans aucune rémunération pour les producteurs de spectacles.

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