Développer un maillage artistique et accessible - dans tous les sens du terme -, c’est tisser des liens forts entre les publics et les artistes, c’est créer une identité culturelle nationale région par région et donc concert après concert, festival après festival…
À une période où le lien social se distend, la culture constitue une des réponses les plus efficaces, une des plus concrètes et probablement la plus plaisante !
1 450 communes disposent d’une salle de spectacles en France
Pour leur permettre de jouer ce rôle primordial, le PRODISS accompagne ses entreprises adhérentes avec la volonté de développer leur compétitivité aux échelles locale et nationale. Défendre leurs intérêts, c’est défendre le public, c’est jouer un rôle fort tant au niveau économique que social pour une égalité culturelle dans notre pays et nous le ferons savoir haut et fort !
Pour en apprendre plus sur l’ancrage sur les spectacles et les territoires, retrouvez un dossier complet ci-dessous :
Focus adhérent PRODISS
ANGERS EN "LÉVITATION"
CHRISTOPHE DAVY | FONDATEUR DE RADICAL PRODUCTION
Fondateur de Radical Production sa société basée et active à Angers, Christophe Davy nous livre son témoignage. Récit d’une conviction devenue un modèle.
— SUR LE SITE DE RADICAL PRODUCTION, VOUS METTEZ EN AVANT «LE BOOKING MILITANT DÉCENTRALISÉ». LES TERRITOIRES SONT-ILS AU CŒUR DE VOTRE ACTIVITÉ ? EST-CE UN ÉLÉMENT DE DIFFÉRENCIATION POUR LES ENTREPRENEURS INDÉPENDANTS ?
C’est un hasard pour ma part. J’ai grandi à Angers. Je n’ai pas de revendication militante de ce côté-là : le militantisme, c’est avant tout le répertoire artistique. Rester à Angers correspondait en revanche à un modèle économique. Quand on fait des choix artistiques moins « grand public », on n’a pas besoin d’être à Paris, et surtout nos coûts fixes ne sont pas les mêmes. Les grands groupes pourraient investir, en soi, sur les territoires, mais une importante société de production a intérêt à être à Paris, là où une grande partie du marché se concentre. Plus on fait du grand public, plus le public parisien est clé. Pour un indépendant, l’intérêt est de rester sur son territoire, où il y a une histoire, et un ancrage presque affectif.
— OBSERVEZ-VOUS UN CHANGEMENT DE REGARD DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES SUR L’ATTRACTIVITÉ DU SECTEUR ?
Les collectivités territoriales ont toujours regardé le secteur sous l’angle public : il fallait avoir «sa» salle de concert, «son» théâtre, «sa» compagnie, etc.— Le Quai est un lieu culturel de la ville d’Angers, à la fois espace de création, de spectacles et de rencontres, incluant les arts vivants, plastiques, numériques, scéniques, lyriques, le cirque, le théâtre, la danse, les musiques, etc. L’évolution majeure, c’est qu’avoir sa salle de musiques actuelles est devenu désormais un élément primordial dans l’offre culturelle, ce qui était loin d’être gagné il y a 20 ans. En parallèle des équipements, les collectivités voient enfin les festivals comme une donnée économique et d’attractivité du territoire. Un festival de musiques actuelles il y a 20 ans, ce n’était pas leur monde. Aujourd’hui, c’est devenu monnaie courante.
— COMMENT CELA S’EST-IL TRADUIT SUR LA VILLE D’ANGERS ?
Avec un réseau assez militant sur la ville, nous avons eu, il y a 25 ans, une salle de musiques actuelles. Une des premières dans l’Ouest, bien avant Nantes par exemple. Mais aucun festival n’a émergé localement à Angers. Seuls un festival de rue, piloté par la ville, et un autre de théâtre, sous la houlette du département, se sont principalement développés. En 2014, j’ai monté un festival de rock à consonance psychédélique : Lévitation. Il s’agit d’un festival de niche qui se tient actuellement au Quai1, et que je souhaiterais voir évoluer vers du plein air, d’ici deux à trois ans.
— QUEL EST LE POTENTIEL D’ATTRACTIVITÉ POUR UN FESTIVAL LOCAL COMME LÉVITATION ?
Une étude a été réalisée par un organisme de la métropole. En attirant plus de 2500 personnes par édition, c’est le festival qui produit le plus de retombées économiques. 80% de notre public résident hors dépar-tement Maine-et-Loire, avec 15% d’internationaux. En générant d’importantes retombées en termes de transports, d’hôtellerie, et de restauration, c’est un festival de niche qui a déjà fait ses preuves, à l’échelle d’Angers. Si l’on passe demain à une fréquentation de 4000 ou 6000 personnes par jour, ce sera un bel objectif. Le festival est un vecteur de plus-value artistique et de reconnaissance au niveau national et international qui reflète une image de qualité pour la ville. Le quantitatif n’est pas la seule mesure et le qualitatif rentre nécessairement en ligne de compte, même s’il est plus difficile à évaluer.
— LE CRÉDIT D’IMPÔT POUR LE SPECTACLE VIVANT MUSICAL VOUS AIDE-T-IL DANS LA PRISE DE RISQUE ARTISTIQUE ?
Sur des esthétiques exigeantes, ce dispositif permet d’avoir une partie des coûts du lancement d’un projet artistique pris en compte, et de travailler ainsi plus d’artistes ou de produire des dates supplémentaires. À titre d’exemple, avec l’artiste Johan Papaconstantino, nous avons pu prolonger des tournées, aller à l’international. Nous pouvons « forger » un public petit à petit, analyser ses réactions. Le groupe a pris en maturité dans sa carrière scénique. Bref, nous avons pu donner de l’ampleur au développement de ce projet artistique, grâce à l’effet levier du crédit d’impôt pour le spectacle vivant musical.
Le cœur du live bat aussi dans les territoires !
Focus adhérent PRODISS
Jérôme Galabert, gérant de Sakifo,
qui relève ce défi à La Réunion depuis 2004. Un modèle à suivre ici...
Si le spectacle génère à Paris et dans les grandes villes des retombées économiques directes fortes, il a des impacts indirects touristiques bien plus importants dans les territoires éloignés. Hébergement, restauration, transports, tourisme local, les collectivités ont désormais conscience de ce potentiel… une belle avancée pour les producteurs ! Et comme ce sont eux qui en parlent le mieux, laissons la parole à Jérôme Galabert, gérant de Sakifo, qui relève ce défi à La Réunion.
Vous êtes producteur, booker, label... Faut-il cumuler ces trois fonctions quand on travaille dans un territoire d’outre-mer?
C’est un heureux hasard lié à la force des choses. Notre vrai métier est de produire des spectacles, tout en ayant cette volonté d’aider les artistes de la Réunion et de l’océan Indien à avoir plus de visibilité et des tournées. Il y avait un besoin, nous avons créé un label, puis le booking. On ressent moins ce besoin aujourd’hui, plutôt qu’il y a 15 ans. La filière musicale à la Réunion s’est structurée. On le voit d’année en année lors du marché des musiques de l’océan Indien (IOMMa) qui existe mainte-nant depuis huit ans et qui développe la coopération culturelle dans la zone, en allant de la Tanzanie jusqu’à l’Inde et l’Australie. D’autre part, le PRMA (Pôle régional des musiques actuelles) a développé un dispositif de tournée à l’intérieur même de la Réunion, dans des lieux non institutionnels (bars de plage, etc.), ce qui permet aux artistes de toucher un cachet déclaré. Même si l’axe majeur d’export des artistes réunionnais reste la métropole, nous avons créé un circuit de festivals fondé il y a cinq ans : Igoda. Il est constitué de six membres : Sakifo (la Réunion), Zakifo (Afrique du Sud), Bassline (Afrique du Sud), Bush-fire (Swaziland) et Azgo (Mozambique), Bayimba (Ouganda). Cela nous permet de monter des tournées de cinq ou six dates. En plus de ces axes « sud-sud », nous créons en complémentarité des opportunités avec un axe sud-nord. Nous sommes actuellement en négociation pour signer un artiste mozambicain en booking (signé également avec un label métropolitain et un management sud-africain).
Est-ce un métier différent de produire et de programmer dans les territoires d’outre-mer ?
C’est un métier différent car nous sommes éloignés des circuits de tournées en métropole. Donc il faut les inventer. Une date chez nous, c’est le temps de trois dates ailleurs. Notre bassin de population n’est pas aisé, et nos offres de cachets artistiques sont nécessairement plus basses. L’équation est différente, mais notre modèle de développement et diffusion artistique se rapproche probablement de celui en ruralité au niveau métropolitain.
Êtes-vous impacté de la même manière qu’en métropole par la hausse des frais de sûreté et de sécurité, des baisses de fréquentation, ou la contraction des subventions publiques?
Nous avons peu subi la hausse des coûts en matière de sécurité. La fréquentation, quant à elle, est en hausse d’année en année, avec une moyenne de 7 % à 10 %. Le festival fête ses 16 ans, mais la dynamique est forte : avec l’appétence des publics et l’envie de découverte assez récentes de ce type d’événement sur nos territoires, la potentialité pour les années à venir est bien là. Nous nous sommes développés avec un taux de subventions bas, et aucune aide particulière pour tout ce qui concerne les frais d’approche, très élevés. Nous avons le soutien de la ville ainsi que la région et l’État nous aide à un niveau très faible. Le département est absent. Nous venons de signer avec la région une convention grâce aux retombées et l’impact économique produit par le festival. Au fil des discussions avec la région, nous sommes partis sur le même modèle que la filière du cinéma qui obtient 50 % d’aide sur les dépenses locales. 80 % de nos dépenses sont locales. On a donc négocié une aide financière de la région, liée aux retombées que le festival génère notamment pour le secteur touristique.
Une attention identique est-elle portée pour les retombées économiques générées par l’offre culturelle de spectacles, que pour celles du tourisme insulaire ?
Nous ouvrons enfin un dialogue autour du potentiel de création d’emplois, et de retombées de la filière musicale. Nous vivons sur un territoire avec 35 % de chômage, peu de secteurs d’activité sont localement porteurs. En même temps, l’appétence ici est très forte pour la musique. En production et en autoproduction, 350 albums sortent chaque année. Ramené à 850 000 habitants, c’est énorme. Nous avons tout le potentiel de structurer localement la filière, avec les retombées économiques qui peuvent en découler. Le public du Sakifo ou des Francofolies de la Réunion est constitué pour l’instant à 95 % de Réunionnais. Nous avons aussi la capacité d’élargir ce bassin de fréquentation : nous commençons à toucher Mayotte, l’île Maurice, l’Afrique du Sud, la métropole. Vous avez un prix moyen du billet de festival assez faible, de l’ordre de 28€. Cela s’en ressent-il sur les cachets artistiques ? Nous avons été contraints de beaucoup négocier par le passé, mais nous subissons comme tout le monde le phénomène de hausse des cachets. Je ne sais pas combien de temps nous pourrons maintenir notre fragile équilibre, sans un renforcement de l’accompagnement économique public. Nous proposons un prix moyen de billet inférieur à la moyenne nationale, avec des charges supérieures. En même temps, il est compliqué d’avoir une politique tarifaire élevée sur notre territoire.
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